Le client Terrot nage dans le bonheur : il a sa moto neuve depuis quelques heures, il a ramené la belle à la maison. "Tout nouveau, tout beau", l'objet tant désiré, plus reluisant que sur le catalogue ou dans la vitrine de l'agent, n'a, pour l'instant, que des qualités...
Tout baigne...
ou les manuels du bien-graisser
Et quand vient le soir, sous la lampe, le terrotiste s'offre une seconde et discrète jouissance : la lecture docile et appliquée du "MANUEL". Rarement spécialisé dans sa seule machine, ce document donne pour tous les modèles un délicieux panaché de sagesse motocyclettiste générale (prudence, respect du code et des opérations d'entretien...) et de leçons techniques un peu "calées". Les dessins en coupe du moteur, de la boîte ou des moyeux, ne sont pas d'une simplicité aveuglante et l'on y cultive un savoir mécanique destiné aux meilleurs ! Que les autres se forment sur le tas. Plus tard, au premier pépin, il compulsera, d'un doigt fiévreux et cambouisé, la liste des pannes de ce Bon Dieu de Manuel, pour tenter de s'en sortir tout seul.
Voici donc la série (1927-1955) des couvertures de ces Manuels d'entretien et de graissage, quand ils deviennent des livrets plus conséquents, offerts ou co-financés par les industriels du lubrifiant : KERVOLINE (à partir de 1927), ensuite OLÉO (1930), ensuite MASSILIA AVION (1931), puis SHELL (sous la marque TERROT, de 1932 à 40) et enfin CASTROL, de 1946 à 1958 (tandis que MAGNAT-DEBON reste avec KERVOLINE jusqu'en 1939, pour continuer ensuite avec CASTROL). Illustrées par des graphistes plus ou moins inspirés, une seule d'entre elles travaille en harmonie avec du matériel publicitaire correspondant (voir la 350 HST dans un triangle de B. Lancy, connue en affiche, en affichette d'atelier et en logo sur les prospectus, le tout pour le sommet de la gloire de TERROT, en 1930).
Aujourd'hui, ces manuels ne sont pas l'aubaine absolue pour les collectionneurs-restaurateurs en panne de technique... mais le parfum rétro de leurs conseils naïfs (du genre "ne pas tuer le moteur dans les côtes et ne pas griller les freins dans les descentes"!) accompagne à merveille la fréquentation des vieilles demoiselles de la rue André-Colomban.
Daniel PALLEGOIX